Cas 07 J-F Emile

Created by HELENE MOULIN on Oct 28, 2019 10:36:16 AM, Last modified by HELENE MOULIN on Nov 8, 2019 10:48:28 AM
 

Clinical information


Femme de 60 ans. Depuis 5 mois, asthénie avec perte de poids de 4 kg (= près de 10% de la masse corporelle).

Bilan scannographique : hépato-splénomégalie et adénopathies rétropéritonéales.

Biopsie à l'aiguille d'une adénopathie rétropéritonéale.


Jean-François Emile (AP-HP, Hôpital Ambroise Paré)

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Gross observations

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Microscopic observations

Description du cas présenté

• Histopathologie

Le parenchyme ganglionnaire est en grande partie détruit par un infiltrat diffus et monotone, constitué de cellules de taille moyenne au noyau ovalaire à chromatine fine et au cytoplasme d'abondance moyenne. Les atypies sont discrètes. L'examen à fort grandissement révèle des granulations intracytoplasmiques pâles.

• Immunomarquages et analyses moléculaires

L’étude immunohistochimique a montré une expression forte et diffuse de CD68 ainsi qu'une positivité pour CD163 ayant initialement fait proposer le diagnostic d'histiocytose.

Un examen plus approfondi du CD163 a révélé que le marquage concernait un treillis très dense de cellules dendritiques du stroma, alors que les cellules tumorales étaient négatives.

Les cellules sont fortement positives pour KIT (CD117) et pour la tryptase.

• Analyses moléculaires

L'analyse moléculaire de l'ADN extrait de cette biopsie a révélé une mutation D816V de KIT, et aucune altération n'a été détectée dans les gènes de la voie des MAPkinases.

Des mutations ont également été détectées dans les gènes IDH2 et STAG2.

• Données cliniques complémentaires

Quatre mois après la biopsie, l'asthénie persiste avec un score OMS à 2, sans fièvre ni sueurs, et avec une dyspnée d'effort.

L'examen clinique révèle une hépato-splénomégalie, sans ganglion périphérique.

L'imagerie TDM et métabolique objective de multiples adénopathies sous-diaphragmatiques et une adénopathie cervicale, un épanchement pleural gauche de moyenne abondance et une trame osseuse hétérogène.

La numération révèle une hyperleucocytose à 16 G/L (PNM 9 G/L, lympho 5 G/L, Mono 1,2 G/L). Le myélogramme révèle une infiltration par 46% de mastocytes.

Diagnosis information

Diagnostic proposé

Leucémie à mastocytes.

Codes ADICAP : PHSGH7V0 ; PHSGH7V5

Un traitement par dexaméthasone et midostaurine a été instauré.

Discussion

• Caractéristiques cliniques

La leucémie à mastocytes est une variante de mastocytose systémique comportant plus de 20% de mastocytes dans la moelle1. Elle peut être leucémique ou aleucémique, selon que l'on détecte plus ou moins de 10% de mastocytes dans le sang.

La leucémie à mastocytes est très rare et constitue environ 1% des mastocytoses systémiques2 et 9% des mastocytoses systémiques avancées3. La symptomatologie est similaire à celle des autres mastocytoses systémiques.

Le phénotype des mastocytes est habituellement CD25+, KIT+, CD2+, tryptase+. Le taux de tryptase sérique est généralement très élevé et il peut exister une cytopénie et/ou une hyperéosinophilie.

La grande majorité des cas ont une mutation D816V de KIT.

Le pronostic est très mauvais, avec une survie globale généralement inférieure à 1 an, alors que la survie médiane pour les mastocytoses systémiques est d'environ 4 ans.

• Caractéristiques histopathologiques

L'infiltrat cellulaire était très monotone, sans aspect pouvant orienter vers des histiocytes comme une xanthomisation, de la phagocytose, de l'empéripolèse ou des cellules géantes multinucléées. Les noyaux étaient très réguliers, sans l'aspect réniforme ou "chiffonné" des cellules de Langerhans, ni les grands noyaux vésiculeux et fortement nucléolés de la maladie de Rosai-Dorfman. Il n'y avait pas l'aspect de localisation intra-sinusale que l'on observe dans la maladie de Rosai-Dorfman.

Enfin, en HES, l'examen à fort grandissement révélait la présence de quelques granulations intracytoplasmiques. Ces granulations peuvent donner une métachromasie violette ou pourpre au bleu de toluidine. Les grains peuvent toutefois être rares ou absents, notamment dans les formes à cellules fusiformes. Le stroma est parfois riche en éosinophiles et/ou fibreux. Les mitoses sont généralement peu nombreuses, même dans les formes agressives.

• Diagnostic différentiel

Dans le cas présenté, le diagnostic initialement proposé a été celui d'histiocytose, en raison d'une positivité pour le CD68 et le CD163. En dehors des histiocytoses à cellules de Langerhans, des maladies de Rosai-Dorfman et des histiocytoses malignes, les localisations ganglionnaires d'histiocytose sont exceptionnelles. Les informations cliniques n'ont été obtenues que dans un second temps, mais la patiente n'avait pas d'atteinte cutanée.

Le phénotype et la clinique inhabituels ont incité à élargir la batterie d'immunohistochimie, avec notamment l'anti-KIT (anti-CD117) car les mastocytoses expriment fréquemment1 le CD68. A noter que les mastocytes peuvent parfois également exprimer un second marqueur histiocytaire4,5 : le CD4.

Dans ce contexte clinique, la forte expression de KIT (CD117) était suffisante pour affirmer le diagnostic de mastocytose, mais l'expression de la tryptase et la présence de la mutation D816V de KIT ont sécurisé le diagnostic.

Les mastocytoses peuvent être associées à un syndrome myéloprolifératif ou myélodysplasique (MPN/MDS) et/ou présenter des mutations dans des gènes impliqués dans le contrôle épigénétique. Notre patiente présentait des mutations dans les gènes IDH2 et STAG2. La présence de mutations dans les gènes SRSF2, ASXL1 et/ou RUNX1 est un facteur de mauvais pronostic dans les mastocytoses systémiques3,6.

Les mastocytes peuvent dériver de progéniteurs CD34+ / CD38- présentant la mutation7 D816V de KIT. A noter que les patients atteints d’histiocytose peuvent également présenter des syndromes myéloprolifératifs ou myélodysplasiques associés et/ou présenter des mutations dans ces gènes8. Actuellement, seul un cas de coexistence d’une mastocytose et d’une histiocytose a été rapporté9, mais l’éventualité d’un progéniteur hématopoïétique commun n’a pas été étudiée. Un cas de mastocytome riche en histiocytes parfois xanthomisés et en cellules de Touton a également été rapporté10.

Conclusion

Le diagnostic d’histiocytose peut être porté par excès en raison soit d’une infiltration massive d’une tumeur par des macrophages ou des cellules dendritiques réactionnelles, soit de l’expression par d’autres types cellulaires de marqueurs habituellement exprimés par les histiocytes.

Ceci est illustré dans l'observation présentée. La mastocytose systémique exprimait le CD68 (comme c’est souvent le cas) et était particulièrement riche en histiocytes réactionnels exprimant le CD163.

References

1 - Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, Thiele J, Arber DA, Hasserjian RP,
Le Beau MM, Orazi A, Siebert R
(Editors). WHO Classification of tumours of haematopoietic and lymphoïd tissues. WHO Classification of Tumours, Revised 4th Edition. Volume 2. IARC Press (Lyon, France) 2017.

2 - Pardanani A, Tefferi A. How I treat myelofibrosis after failure of JAK inhibitors. Blood 2018;132(5):492-500.

3 - Jawhar M, Schwaab J, Álvarez-Twose I, Shoumariyeh K, Naumann N, Lübke J, Perkins C,
Muñoz-González JI, Meggendorfer M, Kennedy V, Metzgeroth G, Fabarius A, Pfeifer D, Sotlar K, Horny HP, von Bubnoff N, Haferlach T, Cross NCP, Hofmann WK, Sperr WR, García-Montero AC, Valent P, Gotlib J, Orfao A, Reiter A. MARS: Mutation-Adjusted Risk Score for Advanced Systemic Mastocytosis. J Clin Oncol 2019;37(31):2846-56.

4 - Kulberg A, Mitteldorf C. CD4 and CD30 coexpression in a cutaneous manifestation of systemic mastocytosis-A pitfall. Am J Dermatopathol 2018;40(8):628-30.

5 - Soilleux EJ, Bowling J, Hollowood K. CD4 expression by mast cells in mastocytosis: A case report. J Clin Pathol 2009;62(6):564-6.

6 - Pardanani A. Systemic mastocytosis in adults: 2019 update on diagnosis, risk stratification and management. Am J Hematol 2019;94(3):363-77.

7 - Eisenwort G, Sadovnik I, Schwaab J, Jawhar M, Keller A, Stefanzl G, Berger D, Blatt K, Hoermann G, Bilban M, Willmann M, Winding C, Sperr WR, Arock M, Rülicke T, Reiter A, Valent P. Identification of a leukemia-initiating stem cell in human mast cell leukemia. Leukemia 2019 Apr 5. doi: 10.1038/s41375-019-0460-6.

8 - Papo M, Diamond EL, Cohen-Aubart F, Emile JF, Roos-Weil D, Gupta N, Durham BH, Ozkaya N, Dogan A, Ulaner GA, Rampal R, Kahn JE, Sené T, Charlotte F, Hervier B, Besnard C, Bernard OA, Settegrana C, Droin N, Hélias-Rodzewicz Z, Amoura Z, Abdel-Wahab O, Haroche J. High prevalence of myeloid neoplasms in adults with non-Langerhans cell histiocytosis. Blood 2017;130(8):1007-13.

9 - Rudzki Z, Sotlar K, Kudela A, Starzak-Gwóźdź J, Horny HP. Systemic mastocytosis (SM) and associated malignant bone marrow histiocytosis - A hitherto undescribed form of SM-AHNMD. Pol J Pathol 2011;62(2):101-4.

10 - Tran DT, Jokinen CH, Argenyi ZB. Histiocyte-rich pleomorphic mastocytoma: An uncommon variant mimicking juvenile xanthogranuloma and Langerhans cell histiocytosis. J Cutan Pathol 2009;36(11):1215-20.

Attributes

Catégorie: Journée AIP Carrefour
Mode de prélèvement: P- Ponction biopsie
Organe: SG- Ganglion lymphatique
Type de technique: H- Histologie
Pathologie générale: Leucémie
Code ADICAP: PHSGH7V0 PHDGH7V5
Code SNOMED: Undefined
Lésion par organe: SG : ganglion lymphatique
Auteur: Jean-François Emile
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