Cas 05 C Bossard

Created by HELENE MOULIN on Oct 28, 2019 10:34:50 AM, Last modified by HELENE MOULIN on Nov 8, 2019 10:41:04 AM
 

Clinical information


Homme de 70 ans, ancien directeur de clinique à la retraite. Pas d’antécédents.

Consultation aux Urgences du CHU pour asthénie et sueurs nocturnes avec fièvre et épisodes de lipothymies depuis 15 jours. Eruption cutanée maculo-papuleuse concomitante.

Examen clinique : syndrome tumoral avec splénomégalie et adénopathies axillaires et inguinales bilatérales, et cervicales supra-centimétriques.

Bilan biologique : anémie hémolytique auto-immune, syndrome d’activation macrophagique (hyperferritinémie = 974 µg/L, hypertriglycéridémie = 4,14 g/L et images d’hémophagocytose sur le myélogramme) et réplication EBV (PCR 4,5 log).

Scanner thoraco-abdomino-pelvien : syndrome tumoral ganglionnaire sus- et sous-diaphragmatique avec hépato-splénomégalie. Scanner encéphalique : pas d’anomalie cérébrale. PET-Scan : hypermétabolisme splénique et ganglionnaire sus- et sous-diaphragmatique.

Biopsie d'une adénopathie inguinale à l’aiguille 18G.

Céline Bossard (CHU Nantes, Hôpital Hôtel-Dieu)

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Gross observations

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Microscopic observations

Description du cas présenté

• Histopathologie

Deux microbiopsies ont été adressées, l’une formolée, l’autre à l’état frais. Cette dernière a été fixée au formol compte tenu de l’exiguïté du prélèvement, et l’ensemble a été inclus en 1 seul bloc. Ces carottes biopsiques fragmentées ont intéressé du tissu péri-ganglionnaire et du parenchyme ganglionnaire en partie involutif, parfois écrasé dans les territoires non involutifs, au sein desquels on identifie de nombreux amas d’histiocytes épithélioïdes se détachant sur un fond lymphocytaire.

A plus fort grandissement, quelques éléments lymphocytaires matures semblent atypiques, avec un noyau de taille moyenne, rarement grands et de contours irréguliers. Ils s'accompagnent d'éléments lymphoïdes de petite taille non atypiques, de rares polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles ou de plasmocytes.

A certains endroits, on retrouve une discrète hyperplasie vasculaire.

• Immunophénotypage

Les éléments lymphoïdes sont majoritairement de phénotype T CD3+ tandis que seuls quelques rares lymphocytes B CD20+ persistent, isolés ou regroupés en petits nodules, de petite taille avec de rares éléments d’allure immunoblastique, également CD30+, non sternbergoïdes. Ces nodules résiduels sont sous-tendus par des réseaux de cellules folliculaires dendritiques (CFD) CD21+, non expansifs.

Ces premiers éléments morphologiques et immunophénotypiques, confrontés au tableau clinico-biologique, doivent faire éliminer un lymphome T périphérique, a priori non anaplasique, plutôt de type TFH/LAI.

• Examens complémentaires

Un complément d’immunohistochimie est donc réalisé avec l’ensemble des anticorps dirigés contre les marqueurs T (CD2, CD4, CD5, CD8 et CD7), les marqueurs TFH (CD10, BCL-6, CXCL13 et PD1) et le CD21 ainsi qu'une hybridation in situ (HIS) avec les sondes EBER.

L’expression des marqueurs T est d’analyse difficile en raison d’un épuisement du matériel biopsique et ne permet pas de statuer sur le phénotype T complet ou non des éléments T : on note des éléments T CD4+ (peu de matériel restant) et de nombreux éléments CD8+. Ceux-ci sont en revanche assez nombreux à exprimer le PD1 (30 à 40% des CD3+), le CXCL13 et le CD10 (≈ 20%) dont des éléments de taille moyenne, dans les territoires interfolliculaires. Le BCL-6 n’est pas interprétable, de même que l’HIS avec les sondes EBER par épuisement du matériel. L'anti-CD21 objective de rares réseaux de cellules folliculaires dendritiques. Une recherche de clonalité T n’a pas pu être réalisée par épuisement du matériel tissulaire.

Diagnosis information

Diagnostics proposés

• Diagnostic initial proposé

Forte suspicion de lymphome T périphérique, de phénotype TFH. Une biopsie chirurgicale est nécessaire afin de confirmer cette hypothèse.

• Données complémentaires

Une biopsie chirurgicale d’un ganglion axillaire gauche a été réalisée et a confirmé la présence d’un lymphome T angio-immunoblastique typique de "pattern" III, cadrant parfaitement avec la présentation clinique et biologique.

• Diagnostic final retenu

Lymphome T angio-immunoblastique (lymphome T LAI).

Code ADICAP : PHSGJ7P3

Discussion

Cette observation illustre bien les limites d’une microbiopsie ganglionnaire pour le diagnostic de lymphome T, et notamment de type LAI, de surcroît dans un territoire inguinal où les ganglions sont assez souvent involutifs, et la nécessité de recourir à une biopsie chirurgicale pour confirmer / infirmer cette hypothèse. En effet, la microbiopsie restreint grandement l’analyse des critères architecturaux (hyperplasie des réseaux de cellules folliculaires dendritiques mise en évidence au mieux avec l'anti-CD21, hyperplasie des veinules post-capillaires), particulièrement utiles pour arriver au diagnostic de lymphome T LAI, et ne permet en général aucune analyse moléculaire (clonalité T, profil mutationnel des gènes TET2, RHOA, DNMT3, IDH2, ....) permettant de confirmer le diagnostic dans les cas morphologiquement difficiles.

Dans cette observation, la présentation clinico-biologique oriente vers un lymphome T de type LAI qui est le plus fréquent des lymphomes T périphériques ganglionnaires, et la morphologie n’écarte pas cette hypothèse.

La prise en charge diagnostique doit donc être précautionneuse, par étapes, dans un but d’épargne tissulaire.

Une première batterie immunohistochimique (anti-CD3, anti-CD20, anti-CD21, anti-CD30) permet d’avoir une idée de la répartition et de la prédominance des territoires B et T, et du phénotype des cellules atypiques. L'anti-CD30 permet d’identifier d’éventuelles cellules sternbergoïdes.

Une seconde batterie adéquate d'anticorps permet d’affiner l’hypothèse : anticorps dirigés contre les marqueurs TFH (anti-PD1, anti-CXCL13, anti-BCL-6 et anti-CD10, en sachant que le PD1 est le marqueur le plus sensible mais le moins spécifique d’entre eux), anticorps dirigés contre l’ensemble des marqueurs T à la recherche d’un trou phénotypique, pouvant être un "témoin indirect" d’une prolifération clonale T, anticorps dirigés contre les marqueurs de cellules folliculaires dendritiques (anti-CD23 et anti-CD21, en privilégiant l'anti-CD21), une hybridation in situ avec les sondes EBER pour mettre en évidence des immunoblastes B EBV+ (technique beaucoup plus sensible que l’immunohistochimie avec l’anti-LMP1).

Malgré une rentabilité incomplète par épuisement du matériel de ce complément d’immunohistochimie, l’expression de 3 marqueurs TFH par des éléments T dans les zones interfolliculaires est très suspecte d’un lymphome T. Si des éléments T activés PD1+ peuvent se voir dans les zones interfolliculaires expansives de lymphadénites réactionnelles, la présence d’éléments T CXCL13+ et CD10+ en nombre, en dehors des follicules B, est inhabituelle.

Diagnostic différentiel

Dans cette observation, les principaux diagnostics différentiels à éliminer par une biopsie chirurgicale +/- recherche de clonalité T sont les suivants :

• Lymphadénite réactionnelle avec hyperplasie des zones T paracorticales

Elle peut être d'origine infectieuse (dont virale : EBV, CMV, ...) ou dysimmunitaire (dont la maladie de Still, etc.)

Il faut bien analyser la composante T et rechercher des atypies cytologiques +++. Le ratio CD4/CD8 est souvent diminué (mais pas toujours, et certains lymphomes T périphériques SAI (PTCL-NOS) sont de phénotype T CD8+ cytotoxique, comme d’ailleurs la variante lympho-épithélioïde !). Attention, de nombreux éléments T PD1+ peuvent être présents dans les zones paracorticales expansives, +/- CXCL13+.

La confrontation anatomo-clinique et biologique est cruciale.

• Lymphome de Hodgkin classique de type à cellularité mixte

Le fond polymorphe, granulomateux doit faire rechercher des cellules atypiques sternbergoïdes, parfois mieux identifiables avec l'anti-CD30, non retrouvées sur cette biopsie (mais la biopsie était exiguë !). Attention toutefois, la composante B classiquement associée à la composante T tumorale dans le lymphome T LAI peut mimer l’aspect de cellules de Reed-Sternberg (CD30+, CD20+/-, CD15+/-, EBV+) sans pour autant correspondre à un lymphome de Hodgkin classique. De plus, de nombreux éléments T PD1+ dispersés peuvent être présents dans le lymphome de Hodgkin classique +++. Par conséquent, là aussi, l’analyse cytologique du fond lymphocytaire T à la recherche d’atypies est très importante,

• Lymphome B riche en lymphocytes T et en histiocytes

Le fond riche en histiocytes et en lymphocytes de ce cas peut faire envisager cette hypothèse, d’autant plus que quelques rares grandes cellules B CD20+ d’allure immunoblastique sont mises en évidence, et que le fond lymphocytaire T peut diffusément exprimer le PD1 dans certains cas (Ohgami et coll., 2014). Cependant, il reste quelques nodules B à petites cellules sous-tendus par quelques réseaux de cellules folliculaires dendritiques CD21+ (inhabituels dans cette entité) et les éléments lymphocytaires T présentent quelques atypies.

• Lymphome T périphérique SAI (PTCL-NOS), variante lympho-épithélioïde (lymphome de Lennert)

L'architecture est le plus souvent diffuse mais parfois interfolliculaire. Les cellules tumorales, majoritairement de petite taille avec peu d’atypies, sont le plus souvent de phénotype T CD8 cytotoxique, mêlées à de nombreux histiocytes épithélioïdes, parfois regroupés en amas +/- quelques cellules B de grande taille éparses.

Cette variante est plutôt de meilleur pronostic que les lymphomes T périphériques SAI conventionnels.

References

Schmitz N, de Leval L. How I manage peripheral T-cell lymphoma, not otherwise specified and angioimmunoblastic T-cell lymphoma: Current practice and a glimpse into the future. Br J Haematol 2017;176(6):851-66.

Dobay MP, Lemonnier F, Missiaglia E, Bastard C, Vallois D, Jais JP, Scourzic L, Dupuy A, Fataccioli V, Pujals A, Parrens M, Le Bras F, Rousset T, Picquenot JM, Martin N, Haioun C, Delarue R, Bernard OA, Delorenzi M, de Leval L, Gaulard P. Integrative clinicopathological and molecular analyses of angioimmunoblastic T-cell lymphoma and other nodal lymphomas of follicular helper T-cell origin. Haematologica 2017;102(4):e148-e151.

Kim HA, Kim YH, Jeon YK, Yang WI, Kwon JE, Han JH. Histopathology and expression of the chemokines CXCL10, CXCL13, and CXCR3 and the endogenous TLR-4 ligand S100A8/A9 in lymph nodes of patients with adult-onset Still's disease. Sci Rep. 2019;9(1):7517.

Krishnan C, Warnke RA, Arber DA, Natkunam Y. PD-1 expression in T-cell lymphomas and reactive lymphoid entities: Potential overlap in staining patterns between lymphoma and viral lymphadenitis. Am J Surg Pathol 2010;34(2):178-89.

Ohgami RS, Zhao S, Natkunam Y. Large B-cell lymphomas poor in B cells and rich in PD-1+ T cells can mimic T-cell lymphomas. Am J Clin Pathol 2014;142(2):150-6.

Attributes

Catégorie: Journée AIP Carrefour
Mode de prélèvement: P- Ponction biopsie
Organe: SG- Ganglion lymphatique
Type de technique: H- Histologie
Pathologie générale: LMNH T
Code ADICAP: PHSGJ7P3
Code SNOMED: Undefined
Lésion par organe: SG : ganglion lymphatique
Auteur: Céline Bossard
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