Created by HELENE MOULIN on Nov 16, 2017 11:02:20 AM, Last modified by HELENE MOULIN on May 24, 2019 8:07:04 AM
Clinical information
Femme de 34 ans avec dysphagie depuis une semaine révélant une masse médiastinale postérieure de 50 mm avec coulée ganglionnaire médiastinale. Pas d’exposition environnementale ni de tabagisme actif. Bilan d’extension révélant une masse pelvienne de 60 mm englobant l’ovaire droit. Biopsie chirurgicale par médiastinoscopie.
François Le Loarer (Institut Bergonié, Bordeaux)
Description du cas présenté
• Microscopie
La biopsie intéresse une prolifération tumorale indifférenciée de haut grade de malignité. Dans les secteurs morphologiquement intègres, les cellules tumorales s’agencent en plages solides. Elles comportent des noyaux vésiculeux à chromatine claire, dotés de nucléoles distincts et un cytoplasme éosinophile d’abondance variable. Il existe une anisocaryose modérée, toutefois sans réel pléomorphisme. L’activité mitotique est élevée. On note la présence de plages de nécrose tumorale. Les secteurs biopsiques nécrotiques sont volontiers le siège d’artéfacts d’écrasement.
L’immunophénotype des cellules tumorales est le suivant : CK+(AE1/E3) focale, CD34+ multifocal, SALL4+ hétérogène, perte d’expression nucléaire de SMARCA4/BRG1, perte d’expression nucléaire de SMARCA2/BRM, positivité nucléaire de SOX2, ETV4 négatif et WT1cter négatif.
• Pathologie moléculaire
L’étude par hybridation génomique comparative (a-CGH) a mis en évidence un profil diploïde comportant des délétions/gains dans plusieurs locus ainsi qu’une perte d’hétérozygotie en 19p au niveau du locus de SMARCA4.
Le séquençage a mis en évidence une mutation inactivatrice non-sens de SMARCA4.
• Données cliniques complémentaires
Une chimiothérapie avec des anthracyclines a été débutée en urgence sans réponse. Evolution vers une détresse respiratoire et syndrome cave supérieur entraînant le décès 2 mois après les premiers symptômes.
Discussion
Les aspects morphologiques pouvaient en premier lieu faire discuter une tumeur rhabdoïde ou un sarcome à cellules rondes de haut grade, en particulier un sarcome avec réarrangement de CIC, anciennement appelé sarcome "Ewing-like".
• Sarcomes CIC
Les sarcomes CIC présentent un phénotype à cellules rondes mais à la différence des sarcomes d’Ewing, ils comportent des noyaux plus vésiculeux et nucléolés, un cytoplasme plus abondant pouvant donner un aspect focalement épithélioïde ou étiré, responsable de foyers fusocellulaires. Ces tumeurs comportent fréquemment des plages nécrotico-hémorragiques.
• Tumeurs rhabdoïdes ou assimilées
Les tumeurs rhabdoïdes ou assimilées sont associées à des pertes d’expression des gènes suppresseurs de tumeurs SMARCB1/INI1 ou SMARCA4/BRG1. Dans ce contexte, la perte d’expression de SMARCA4 pouvait faire discuter 3 diagnostics différentiels :
1) Sarcome thoracique SMARCA4-déficient
Ces tumeurs se présentent sous forme de volumineuses masses médiastinales ou médiastino-pulmonaires, volontiers compressives. Elles présentent un phénotype indifférencié mêlant des aspects de cellules rondes et de cellules épithélioïdes.
Ces tumeurs ont un immunophénotype superposable à celui des tumeurs rhabdoïdes : positivité ponctuelle/focale des cytokératines, expression du CD34, de marqueurs embryonnaires (SALL4) et "souche" (SOX2).
En revanche, elles comportent une génomique plus complexe avec une diploïdie variable et des altérations non restreintes au locus du gène SMARCA4.
2) Carcinome à petites cellules avec hypercalcémie de l’ovaire (SCCOHT)
Ces tumeurs sont désormais appelées tumeurs rhabdoïdes malignes de l’ovaire. Ici, cette hypothèse était licite puisqu’il existait une masse pelvienne concomitante.
Ces tumeurs ont un phénotype indifférencié rhabdoïde mais comportent typiquement des foyers pseudofolliculaires qui peuvent manquer sur un prélèvement biopsique.
Leur phénotype immunohistochimique est superposable à celui des tumeurs rhabdoïdes et des sarcomes thoraciques SMARCA4-déficients, bien que les marqueurs SALL4 et SOX2 soient exprimés de façon plus hétérogène.
La distinction formelle est moléculaire : ces tumeurs ont des profils génomiques diploïdes avec une altération restreinte au locus de SMARCA4.
3) Carcinome dédifférencié avec inactivation secondaire de SMARCA4
Ces tumeurs surviennent plus volontiers chez des sujets âgés et comportent typiquement des foyers carcinomateux bien différenciés qui peuvent manquer sur les biopsies.
Ces tumeurs ne présentent pas de phénotype "souche" ou "embryonnaire" en immunohistochimie (négativité de SOX2 et SALL4) et il n'y a pas de co-inactivation de SMARCA2 en biologie moléculaire.